Ecart Postal

Série personnelle sur la notion du temps et des changements sociétaux et environnementaux qui en découle.

« C’est d’abord l’usine qui m’a attirée. Evidemment. Ruine magnifique, symbole de la prospérité de l’île à la grande époque de l’économie sucrière. Les portes n’étaient pas murées et on pouvait y entrer comme on voulait pour explorer et imaginer le travail des hommes. Des tags et graffitis décoraient les murs : «Tras in rédiyon po dekal loin out péibéton », c’est ce qu’ont pouvait lire. Sous les fientes stratifiées des pigeons, dormaient de vieilles machines rouillées. Une gigantesque sculpture d’acier trônait au milieu de son château. Ce sont les ouvriers qui l’ont réalisée lors de la fermeture de l’usine en 1970. C’est ce qu’on m’a dit. Ou peut-être que j’ai cru l’entendre. Ou peut être que je l’ai rêvé. Un jour, les portes et fenêtres ont été condamnées, emprisonnant les machines dans leur écrin de pierre et d’amiante. Alors j’ai arrêté de regarder en l’air et derrière le bâtiment j’ai vu des gens. On a parlé, rigolé ensemble et on s’est aperçu qu’on avait tous un point commun : même quand les usines sont fermées, on continue de rêver. »